Quelques précisions sur les Univers homogènes et isotropes

Les solutions des équations de la relativité générale dans le contexte d'un Univers homogène et anisotrope (Univers de Bianchi) forment un ensemble de problèmes passionant et suffisament méconnu pour que nous y consacrions quelques lignes ....

Équations d'Einstein

Les équations de la dynamique de l'Univers sont classiquement obtenues par la variation d'une action contenant deux densités de Lagrangien : L'une $ \mathcal{L}_{c}$ décrit l'état de courbure de l'Univers et l'autre $ \mathcal{L}_{m}$ décrit l'énergie impulsion présente dans l'Univers, nous avons ainsi
$\displaystyle S=\frac{1}{\chi}\int\left( \mathcal{L}_{c}+\mathcal{L}_{m}\right) \sqrt
 {-g}d^{4}x%
$ (1)

Le terme $ \sqrt{-g}$, racine carrée du déterminant de la métrique considérée.
Dans la relativité générale d'Einstein, le lagrangien de courbure est simplement le scalaire de courbure,
$\displaystyle \mathcal{L}_{c}=R$ (2)

trace du tenseur de Ricci, double contraction du tenseur de courbure de Riemann $ R_{\mu\nu\alpha\beta}$
\begin{displaymath}\begin{array}[c]{l}
 R=g^{\mu\nu}R_{\mu\nu}=g^{\mu\nu}g^{\alpha\beta}R_{\mu\nu\alpha\beta}
 \end{array}\end{displaymath} (3)

La densité de lagrangien de matière dépend directement de la nature de celle ci. C'est à partir de $ \mathcal{L}_{m}$ que l'on forme le tenseur énergie-impulsion
$\displaystyle T_{\mu\nu}=2\,\left[ \dfrac{\partial\mathcal{L}_{m}}{\partial g^{\mu\nu}
 }-\dfrac{1}{2}g_{\mu\nu}\mathcal{L}_{m}\right]$ (4)

Le minimum de l'action % latex2html id marker 1495 pour des variations de la métrique est atteint pour les équations d'Einstein
$\displaystyle R_{\mu\nu}-\dfrac{1}{2}R\;g_{\mu\nu}=\chi\;T_{\mu\nu}$ (5)

Sous cette forme elles font apparaître le scalaire de courbure $ R$ trace du tenseur de Ricci, on peut aussi les écrire en faisant apparaître le scalaire d'énergie impulsion $ T:=g^{\mu\nu}T_{\mu\nu}$, une ligne de calcul donne
$\displaystyle R_{\mu\nu}=\chi\left( T_{\mu\nu}-\frac{1}{2}g_{\mu\nu}T\right)$ (6)

La constante de couplage est obtenue par limite en champ faible de la théorie, on trouve
$\displaystyle \chi=8\pi G/c^{4}.$ (7)

Univers de Bianchi

Soit l'espace métrique de la relativité générale (espacetemps), si nous supposons qu'il existe un référentiel synchrone, à un instant donné $ t$, dans ce référentiel synchrone la métrique se décomposera de la façon suivante

$\displaystyle ds^{2}=g_{\mu\nu}\,dx^{\mu}\,dx^{\nu}=dl^{2}-dt^{2}:=\tilde{g}_{ij}
 \,dx^{i}\,dx^{j}-dt^{2}$ (8)

L'homogénéité d'un espace métrique tient à l'identité de ses propriétés métriques en tous ses points. L'espacetemps est dit homogène si, à chaque instant, sa section spatiale (l'espace, d'élément de longueur $ dl^{2}$) admet un ensemble de transformations conservant l'élément de longueur $ dl^{2}$ et permettant de mettre en relation tout point de l'espace avec tout autre : un ensemble d'isométrie. Cet ensemble est appelé groupe des déplacements.
Les classes d'équivalence des espacetemps homogènes en dimension 3+1 s'obtiennent en considérant les classes d'équivalences des constantes de structure $ C_{ab}^{\;c}~$du groupe des déplacement.
Il est commode de décomposer ces constantes en une partie symétrique et une partie antisymétrique. Ceci est toujours possible en écrivant

$\displaystyle C_{ab}^{\;c}=\varepsilon_{abd}\,N^{dc}+\delta_{b}^{c}\,Z_{a}-\delta_{a}
 ^{c}\,Z_{b}$ (9)

$ \varepsilon_{abd}\,$est le tenseur unité complètement antisymétrique et $ \delta_{b}^{c}$ le symbole de Kronecker, $ N^{ab}$ est la composante complètement contravariante d'un tenseur symétrique d'ordre 2, et (pour respecter l'identité de Jacobi) le vecteur $ Z$ doit vérifier

$\displaystyle N^{ab}Z_{b}=N_{ab}Z^{b}=0$ (10)

La décomposition % latex2html id marker 1529 permet de voir clairement qu'il existe neuf types distincts d'espaces homogènes en dimension 3+1. Six proviennent des 6 degrés de libertés introduits par les six composantes indépendantes du tenseur symétrique $ N$, et trois des composantes du vecteur $ Z$.

Une spécification plus précise est toujours possible : Le tenseur $ N$ étant symétrique il existe toujours une base dans laquelle il est diagonal. Dans cette base, nous aurons

$\displaystyle N^{ab}=\left[
 \begin{array}[c]{lll}
 n_{1} & 0 & 0\\ 
 0 & n_{2} & 0\\ 
 0 & 0 & n_{3}
 \end{array}
 \right]$ (11)

Toujours dans cette base, et sans restreindre la généralité de notre propos, la relation % latex2html id marker 1539 permet de poser $ Z_{b}=\left[ a,0,0\right] $ pourvu que
$\displaystyle an_{1}=0$ (12)

L'énumération des cas distincts peut alors se faire en considérant toutes les possibilités de multiplicité algébrique pour une valeur propre nulle de $ N$, les différentes signatures de cette matrice et la condition % latex2html id marker 1547
Il vient

Propriétés de $ N$ $ n_{1}$ $ n_{2}$ $ n_{3}$ $ a$ Modèle
0 est valeur propre triple de $ N$ 0 0 0 0 $ B_{\text{\textsc{i}}}$
  0 0 0 $ \forall$ $ B_{\text{\textsc{v}}}$
0 est valeur propre double de $ N$ $ 1$ 0 0 0 $ B_{\text{\textsc{ii}}}$
  0 $ 1$ 0 $ \forall$ $ B_{\text{\textsc{iv}}}$
0 est valeur propre simple de $ N$ $ 1$ $ 1$ 0 0 $ B_{\text{\textsc{vii}}_{o}}$
  0 $ 1$ $ 1$ $ \forall$ $ B_{\text{\textsc{vii}}_{a}}$
  $ 1$ $ -1$ 0 0 $ B_{\text{\textsc{vi}}_{o}}$
  0 $ 1$ $ -1$ $ \neq1$ $ B_{\text{\textsc{vi}}_{a}}$
  0 $ 1$ $ -1$ $ 1$ $ B_{\text{\textsc{iii}}}$
0 n'est pas valeur propre de $ N$ $ 1$ $ 1$ $ 1$ 0 $ B_{\text{\textsc{ix}}}$
  $ 1$ $ 1$ $ -1$ 0 $ B_{\text{\textsc{viii}}}$

Les cas dégénérés équivalents n'ont pas été indiqués pour des raisons de concision. Par exemple, le cas $ n_{1}, $ n_{3}=-1$ et donc forcément $ a=0$ est dans la classe d'équivalence B $ _{\text{\textsc{ix}}}$ avec une signature + et 0 hors du spectre. Nous retrouvons bien les neuf cas distincts d'espaces riemanniens homogènes de dimension 3. Les chiffres romains associés aux types indiqués correspondent à la classification faite par L. Bianchi en 1898.

Une fois les espaces homogènes classifiés, il est possible dans chaque cas d'écrire le tenseur métrique associé et d'en déduire les composantes du tenseur de Ricci.

Formulation BKL (Belinski, Khalatnikov, Lifchitz)

On peut prouver qu'il existe toujours une famille de fonctions ( $ \omega, un temps conforme $ \tau$ tel que $ dt=N\left( et $ N\left( \tau\right) $ une fonction ''lapse'' telle que

$\displaystyle ds^{2}=\tilde{g}_{ij}dx^{i}dx^{j}-dt^{2}=\gamma\,\left( \tau\right)
 \omega^{i}\omega^{j}-N^{2}\left( \tau\right) d\tau^{2}$ (13)

la dépendance temporelle de la composante spatiale de la métrique se diagonalise $ \gamma\left( \tau\right) =\mathrm{diag}\left[ \alpha

On peut ainsi expliciter les équations d'Einstein : En considérant que l'Univers est remplis d'un d'un fluide parfait, de pression $ P$ de densité d'énergie $ \rho$ et décrit par un champ de quadrivitesse de composante covariante $ u_{\mu}$ au repos dans le référentiel synchrone ( $ u_{0}=c=1,$ $ u_{i}=0$)

$\displaystyle T_{\mu\nu}=Pg_{\mu\nu}+\left( P+\epsilon\right) u_{\mu}u_{\nu}$ (14)

On considère généralement que ce fluide est barotropique. C'est-à-dire qu'il suit une équation d'état de la forme
$\displaystyle P=\left( \Gamma-1\right) \rho\,$ (15)

ou $ \Gamma\in\left[ 0,2\right] $ est la constante barotropique. Une telle relation est très générale et s'applique à de nombreux fluides pour peu qu'ils contiennent une phase dominante.

En considérant une fonction lapse égale au volume de l'Univers : $ N$( $ \tau)=V\left( \tau\right) =\left( \alpha_{1}\alpha_{2}\alphales équations de la dynamique de l'Univers homogène et anisotrope deviennent

$\displaystyle \left\{
 \begin{array}[c]{rll}
 0 & = & E_{c}+E_{p}+E_{m}\\ 
 \ch...
...^{2}-\left( n_{1}\alpha_{1}-n_{2}
 \alpha_{2}\right) ^{2}
 \end{array}
 \right.$ (16)

ou l'on a noté $ A_{i=1,2,3}=\ln\left( \alpha_{i}\right) $,   $ \chi=8\pi $ \epsilon_{o}>0$ si $ 0\leq\Gamma\leq2$   et
$\displaystyle E_{c}$$\displaystyle =A_{1}^{\prime}A_{2}^{\prime}+A_{1}^{\prime}A_{3}^{\prime}
 +A_{3}^{\prime}A_{2}^{\prime}\ \ \ \ \ \ \ \ \ \ E_{m}=-4\chi\rho
 _{o}V^{2-\Gamma}$    
  (17)
$\displaystyle E_{p}$$\displaystyle =2(n_{1}n_{2}\alpha_{1}\alpha_{2}+n_{1}n_{3}\alpha_{1}\alpha
 _{3...
..._{2})-n_{1}^{2}\alpha_{1}^{2}-n_{2}^{2}
 \alpha_{2}^{2}-n_{3}^{2}\alpha_{3}^{2}$    

Formulation Hamiltonienne


Misner remarque des la fin des années 60 que la première des équations % latex2html id marker 1780 est séparée : d'un coté des termes dérivés, "cinétique" ($ E_{c}$), de l'autre des termes non dérivés $ (E_{m}$ et $ E_{p})$. Le terme cinétique est une forme quadratique, elle se diagonalise par un changement de variable linéaire

\begin{displaymath}
M:=\left[
\begin{array}[c]{ccc}
\frac{1}{\sqrt{2}} & \fra...
...\;A_{3}^{\prime}\right] ^{T}=\mathbf{q}^{\prime}
\end{array}
\end{displaymath}

dans ces nouvelles coordonnées les équations d'Einstein de la dynamique des Univers de Bianchi s'écrivent


$\displaystyle q_{1,2}^{\prime}=-\frac{\partial H}{\partial p_{1,2}}\;,\;\;\;p_{1,2}^{\prime
 }=-\frac{\partial H}{\partial q_{1,2}}\;\;\;\;\;\;$et$\displaystyle \;\;\;q_{3}
 ^{\prime}=\frac{\partial H}{\partial p_{3}}\;,\;\;\;p_{3}^{\prime}
 =-\frac{\partial H}{\partial q_{3}}$ (18)

avec
$\displaystyle H=\frac{1}{2}\left\langle \mathbf{p},\mathbf{p}\right\rangle +{\sum_{i=1}^{7}
}k_{i}e^{\left( \mathbf{a}_{i},\mathbf{q}\right) }=0
$
les produits
$\displaystyle \forall\mathbf{x},\mathbf{y}\in\mathbb{R}^{3}\;\;\;\left( \mathbf{x} et   $\displaystyle \;\;\;\left\langle \mathbf{x},\mathbf{y}\right\rangle :=-x_{1}y_{1}-x_{2} (19)

les constantes
\begin{displaymath}
\begin{array}[c]{ccc}
k_{1}:=2n_{1}n_{2} & k_{2}:=2n_{1}n_...
...& k_{6}:=-n_{3}^{2}\\
& k_{7}=-4\rho_{o}\chi &
\end{array}
\end{displaymath}
et les vecteurs
\begin{displaymath}
\begin{array}[c]{ccc}
\mathbf{a}_{1}{\scriptsize :=[0,}\fr...
...{\,({2}-\,\Gamma)\sqrt{6}}
{4}{\scriptsize ]} &
\end{array}
\end{displaymath}

dont la projection orthognale sur le plan
$ (x,y)$ laisse entrevoir des applications géométriques ...


Le billard cosmique

Si l'on se place dans le vide $ \left( \rho_{o}=0\right) $ et que l'on pose

$\displaystyle m\left( q_{3}\right) =e^{\frac{\sqrt{6}}{3}q_{3}}
 \ \ \ \ \ $   et  $\displaystyle E\left( q_{3},p_{3}\right) =\frac{p_{3}^{2}
 }{2m}$ (20)

l'introduction d'un "super-temps"( nom initié par R. Jantzen) $ \tilde{t}$ tel que $ d\tilde{t}=md\tau=mdt/V$ permet d'écrire les équations de la dynamique de l'Univers sous la forme
$\displaystyle E=\frac{p_{1}^{2}+p_{2}^{2}}{2m}-\xi\left( q_{1},q_{2}\right)
 \ \ \ \ \ $   avec  $\displaystyle \left\{
 \begin{array}[c]{c}
 \dfrac{dq_{1,2}}{d\tilde{t}}=\dfrac...
...\partial q_{1,2}}
 =-\dfrac{\partial E}{\partial q_{1,2}}
 \end{array}
 \right.$ (21)

une sorte d'énergie potentielle apparaît dans le terme

\begin{displaymath}\begin{array}[c]{cc}
 \xi\left( q_{1},q_{2}\right) = & -n_{1}...
...\sqrt{2}}{2}q_{1}+\frac{\sqrt{6}}{6}q_{2}\right) }
 \end{array}\end{displaymath} (22)

Il s'agit donc d'un système hamiltonien à deux dimensions concernant une particule de masse $ m\left( \tilde{t}\right) $ repérée par sa position $ \left[ q_{1}\left( \tilde{t}\right) ,q_{2}\left( \tilde , d'énergie totale $ E\left( \tilde{t}\right) et dont l'énergie potentielle est $ -\xi\left( q_{1},q_{2}\right) $. La masse et l'énergie de la particule représentant l'Univers sont variables
$\displaystyle \frac{dm}{d\tilde{t}}=\frac{4}{3}\frac{dV}{dt}
\ \ \ \ \ $   et         $\displaystyle \frac{dE}{d\tilde{t}}=-\frac{2}{3}
\frac{p_{1}^{2}+p_{2}^{2}}{m^{2}}\frac{dV}{dt}
$


Lorsque l'on se rapproche de la singularité, les propriétés respectives de $ E,m$ et $ \xi$ font que la dynamique de l'Univers homogène et anisotrope sont assimilables à celles d'une bille de coordonnées $ \left( q_{1},q_{2}\right) $ se déplaçant dans un billard dont les bandes sont formées par les isovaleurs de la fonction $ \xi\left( q_{1},q_{2}\right) .$ Ces bandes s'éloignent, à chaque rebond la bille perd un peu de vitesse mais celle ci reste toujours supérieure à la vitesse des bandes. Il existe 5 familles dynamiquement différentes correspondants aux 5 familles de contours distincts de la fonction  $ \xi\left( q_{1},q_{2}\right) $.