Les anneaux des planètes

Ce qui caractérise l'homme des autres espèces vivantes connue, c'est certainement son inextinguible soif de comprendre le monde qui l'entoure. Ainsi, depuis l'Antiquité, les savants tentent d'expliquer le monde et vont de découvertes en découvertes. Ainsi, en 1610, l'éminent Galilée dirige sa lunette vers Saturne et découvre que la planète est étrangement accompagnée, seraient-ce 2 satellites ? Christian Huygens résout le problème en 1654 : il s'agit d'un anneau. Jean-Dominique Cassini, premier directeur de l'Observatoire de Paris, découvre que cet anneau est séparé en deux par une division qui portera désormais son nom. L'anneau ne serait-il donc pas un anneau de matière continue ? Il faudra attendre le XVIIIème pour avoir une réponse. En 1785, Pierre Simon de Laplace démontre l'instabilité d'un anneau solide du fait des effets de marées de la planète. En 1857, James Clerk Maxwell démontre théoriquement que les anneaux sont constitués de particules rotation différentielle. En 1898, James Edward Keeler confirme expérimentalement avec l'effet Doppler - Fizeau les théories de Maxwell. En 1911, Henri Poincaré souligne l'importance des collisions mutuelles. La découverte des anneaux d'Uranus en 1977, de Jupiter en 1979 et de Neptune en 1989 ainsi que des phénomènes étonnants qui s'y produisent n'ont fait que renforcer l'intérêt de la communauté scientifique pour les anneaux planétaires.

En quoi les anneaux des planètes sont-ils intéressants ? Non seulement les phénomènes qui y règnent sont spectaculaires, à observer, à comprendre, mais aussi à modéliser, mais la compréhension de l'origine, de la structure de ces systèmes d'anneaux pourrait permettre de comprendre celles de notre système solaire et donc les mécanismes de formation de la Terre elle-même. On a en effet découvert que l'univers est construit de la même façon à différentes échelles comme les motifs des fractales. Je vais donc m'intéresser à l'étude de la structure et de la stabilité des anneaux des planètes. Dans une première partie, nous allons donc étudier les caractéristiques d'un système d'anneaux en vue d'établir un premier modèle général. Puis dans une deuxième partie, montrer les insuffisances du modèle général en étudiant les particularités des quatre systèmes d'anneaux du système solaire.

Vers un premier modèle d'anneau planétaire stable

Pour pouvoir comprendre les mécanismes qui entrent en jeu dans les systèmes d'anneaux planétaires, il est très utile de pouvoir établir des modèles. Ceux-ci facilitent en effet la compréhension en recensant et clarifiant ces mécanismes. D'autre part, les modèles sont conçus pour s'adapter à toutes les situations. Pour la réalisation d'un modèle d'anneau, il est nécessaire d'en comprendre les origines et les mécanismes de formation. À partir de là, on pourra en déduire une structure stable et sa composition éventuelle.

L'origine des anneaux

La Limite de Roche

Plusieurs modèles, pourraient expliquer la présence d'anneaux autour des géantes gazeuses. Ces hypothèses concurrentes font intervenir un même mécanisme gravitationnel à l'origine d'une structure fluide, particulaire : l'effet de marée, c'est-à-dire la variation de l'intensité des intéractions gravitationnelles exercées par la planète sur le corps satellite (plus le point de la surface du satellite est proche de la planète, plus ces intéractions sont intenses). C'est le mathématicien français Edouard Albert Roche (son portrait) qui, en 1848, relia ce phénomène à la formation des anneaux planétaires en introduisant la "limite de Roche", distance critique en deçà de laquelle les forces de marées sont supérieures à l'auto-gravitation de cohésion d'un corps satellite, provoquant sa désintégration.

limroch

On va effectuer une première approximation de cette limite. Pour cela, on considère une masse ponctuelle m placée en P. On applique le théorème du centre d'inertie dans le référentiel planétocentrique non galiléen, à l'équilibre.

Il nous faut au préalable réaliser le bilan des forces qui interviennent:

Le théorème du centre d'inertie nous permet d'obtenir l'expression de la réaction du satellite : T.C.I.

La condition de non décollement impose que R>0, d'où : condition de non décollement

Néanmoins, ce petit calcul ne prend pas en compte les forces de cohésion du satellite, qui représentent le caractère élastodynamique du système. Dans ce cas, on obtiendrait :

limite de Roche

3 hypothèses pour faire des anneaux

Une fois cette distance caractéristique introduite, nous pouvons maintenant évoquer plusieurs hypothèses concernant la formation d'un anneau autour d'une planète:

Les anneaux se sont formés en même temps que le système planétaire : Un nuage de gaz se contracte sous l'effet de l'auto-gravitation autour d'une protoétoile. Du fait des irrégularités de la nébuleuse primitive, le processus se répète localement. Autour des protoplanètes, le gaz en mouvement se contracte graduellement sous l'effet de sa propre gravitation. Ce faisant, la vitesse de rotation de la planète géante naissante augmente (par conservation du moment cinétique de rotation). La force centrifuge croissante qui lui est associée différencie la partie externe de la planète (enveloppe gazeuse) de la partie sphérique centrale de gaz contenue par la planète, qui continue de se contracter. L'enveloppe procure des grains solides, qui engendrent les grands satellites de la planète. Certains de ces grains se formeraient par condensation de gaz, à mesure que l'enveloppe se refroidit. Le même processus d'accrétion de planétoïdes plus massifs est bloqué dans la zone située en deçà de la limite de Roche, où les forces de marées énormes inhibent la formation de satellites aux tailles significatives. Après 1 million d'années environ, alors que la formation des anneaux et des satellites est depuis longtemps achevée, les enveloppes circumplanétaires sont expulsées par le vent stellaire ou s'effondrent par friction sur la planète. Pour plus de precisions, cliquez ici.

Une deuxième origine est la désintégration d'un satellite pénétrant à l'intérieur de la limite de Roche.

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L'agrégation des fragments qui en résultent est inhibée comme nous l'avons vu précédemment. Mais comment expliquer la présence d'un satellite sous la limite de Roche alors qu'il ne peut s'y former ? Le mécanisme d'évolution orbitale entrant en jeu est la friction avec un milieu gazeux. En ralentissant le satellite (une partie de l'énergie cinétique est convertie sous forme de chaleur), elle engendre un brutal rétrécissement de son orbite. Ce mécanisme de formation des anneaux n'a donc pas lieu lors de la formation de la planète, mais avant la disparition de l'enveloppe gazeuse externe.

Eugene Shoemaker, du service géologique des Etats-Unis, a proposé une troisième hypothèse : un satellite isolé, voire plusieurs, au voisinage extérieur de la limite de Roche, entre en collision avec une météorite égarée. La majeure partie des débris est éjectée vers la planète et peut alors être à l'origine d'un système d'anneaux.

Pour de plus amples précisions, cliquez ici.

Anneaux et géantes gazeuses

On peut se demander pourquoi un système d'anneaux se forme préférentiellement autour d'une géante gazeuse. Premièrement, ces planètes sont beaucoup plus massives que les planètes rocheuses, de type tellurique comme la Terre. La masse d'Uranus, la plus faible des géantes gazeuses est 10 fois supérieure à celle de la Terre, la plus élevée des planètes telluriques. Par conséquent, elle a un pouvoir d'attraction des météorites 10 fois plus élevé. Deuxièmement, leur nature gazeuse les rend beaucoup plus sensibles à une augmentation significative de leur vitesse de rotation lors de leur formation et la probabilité pour qu'un disque d'accrétion se forme est beaucoup plus importante. Enfin, leur limite de Roche est plus élevée.

limite de Roche des planètes géantes

Ces rapports sont à élever au carré pour évaluer les rapports de surfaces de Roche (disque plan centré sur la planète et de rayon la limite de Roche associée) et au cube pour les volumes de Roche. En conclusion, la probabilité de présence d'un système d'anneaux est beaucoup plus élevée chez les géantes gazeuses.

Planéité et localisation équatoriale

Dès lors, on démontre que la matière présente autour de la planète adopte une structure stable : 1 disque dans le plan équatorial de celle-ci. En effet, l'architecture d'un système d'anneaux résulte du jeu de nombreuses forces : les interactions gravitationnelles (entre particules entre elles et avec la planète) et les forces magnétiques dues au champ magnétique de la planète en rotation.

Planéité

Toutes les particules d'un système d'anneaux tournent dans le même sens que la planète (voir origines). En revanche, les mouvements verticaux et radiaux qui se superposent au mouvement orbital sont aléatoires. Lorsque les vitesses relatives aléatoires sont grandes, les collisions sont violentes et inélastiques, une grande partie de l'énergie dégagée chauffe les particules et les déforme. La perte d'énergie cinétique résultante se traduit par une diminution des vitesses aléatoires. La décroissance des vitesses verticales entraîne l'aplatissement du système d'anneaux, tandis que la diminution des vitesses radiales conduit à des orbites plus circulaires. Ainsi, un anneau épais devient un disque fin et presque circulaire dès le début de son existence.

Même lorsque le mouvement aléatoire des particules de l'anneau a disparu, les collisions continuent : la force de gravitation exercée par la planète sur les particules de l'anneau s'affaiblit avec la distance de sorte que les particules les plus éloignées mettent plus de temps pour décrire leur orbite autour de la planète que les plus proches : on parle de rotation différentielle, ce qui confirme l'hypothèse de Laplace quant à la structure en microsillons des anneaux. Ainsi, une particule dont l'orbite est à l'intérieur de celle d'une autre particule pourra la rattraper et la percuter, à condition qu'elle se trouve dans sa section efficace de choc (la distance radiale entre les deux particules est inférieure au diamètre de l'une d'entre elles). Leur vitesse relative est généralement inférieure au centimètre par seconde (36 m/h) ; néanmoins, le transfert de quantité de mouvement lors de la collision (la résultante cinétique totale étant conservée) a pour effet d'élever l'orbite de la particule extérieure et d'abaisser celle de la particule intérieure. Ainsi, l'enveloppe de matière s'étale horizontalement.

De même, leur collision peut transformer une partie infime du mouvement orbital circulaire des particules en mouvement vertical aléatoire ; les collisions ultérieures empêchent ces vitesses verticales de devenir très grandes, un état stationnaire est atteint qui fixe l'épaisseur de l'anneau. Si les particules ont des tailles très différentes, les plus petites d'entre elles vont accroître leur vitesse verticale par déflexion gravitationnelle lors de passages proches de particules plus grosses ; d'autre part, d'autres petites particules leur feront perdre cette vitesse verticale. Dans ces conditions, les petits corps s'étendront sur une épaisseur égale à plusieurs fois la taille des corps les plus gros.

Ainsi, un anneau isolé, libre de toute contrainte, s'étendra jusqu'à ce que ses particules soient assez éloignées les unes des autres pour que cessent leurs collisions. Un disque plat est créé, les vitesses aléatoires des particules étant à peu près dix millions de fois plus petites que leur vitesse orbitale moyenne.

Localisation équatoriale

Dans le cas d'un anneau formé à partir de l'enveloppe externe de la protoplanète, il apparaît évident qu'il se contracte dans le plan équatorial. Si la désintégration d'un satellite (percuté ou passant sous la limite de Roche) est à l'origine de l'anneau, cette localisation est moins évidente à montrer.

planeite

Comme on peut le voir sur la figure ci-dessus, une planète n'est pas entièrement sphérique, mais axisymétrique. Si on considère la partie sphérique, on peut alors considérer (par analogie) le surplus de masse comme deux masses ponctuelles M', placées au niveau de l'équateur en A et B, dans le cadre d'une description plane (ceci est possible du fait de la symétrie de révolution de la planète).

Dans le cadre de cette description, l'anneau devient un couple de masses ponctuelles m placées en P et P'. La figure ci-dessus précise les autres notations nécessaires à notre démarche, en notant toutefois que la masse de la planète M sera considérée comme 20 fois supérieure à M', choix physiquement acceptable.

On calcule le moment cinétique de rotation du point P : moment cinetique de rotation

Après avoir remplacé la valeur de ω, on obtient : sigma

On applique le principe fondamental de la dynamique au point P dans le référentiel de la planète supposé galiléen : P.F.D. à P P'

On considère maintenant les forces dues aux deux masses M' : forces dues à M'

Cette expression montre l'existence d'un couple exercé sur le point P par les "bourrelets" de la planète, excepté si P est équidistant de A et B (position circumpolaire) ou si A, B et P sont alignés.

Le théorème du moment cinétique au système {P,P'} donne : T.M.I. à P P'

En moyennant sur une période T, sur cos α et en prenant R = 2 R_p, on obtient que CT est de l'ordre de σ. En conclusion, le moment cinétique supplémentaire a une intensité suffisante pour perturber le mouvement général des particules de l'anneau, ce dernier se rapprochant petit à petit du plan équatorial constituant une position d'équilibre stable.

Quelles particules pour les anneaux ?

La composition des particules : en quoi est-elle intéressante ?

Déterminer la composition chimico-minéralogique de l'anneau nous permet d'en déterminer le mode de formation. En effet, dans le cas de l'accrétion de l'enveloppe externe de la protoplanète, la constitution de l'anneau dépend des conditions physiques (notamment la température...) et de la nature des gaz de l'enveloppe, facteurs des réactions éventuelles de condensation des différents gaz tels que la vapeur d'eau... Si l'anneau se forme par désagrégation d'un satellite, sa composition sera bien sûr celle de ce satellite : roches et/ou glaces.

Mais comment détermine t-on la composition des particules des anneaux planétaires ?

On peut tout d'abord analyser la lumière réfléchie et absorbée par ces anneaux à différentes longueurs d'ondes. En effet, le spectre résultant est caractéristique du matériau constitutif de l'anneau (glace, roches, oxydes métalliques...) D'autre part, les mesures de réflexivité et de diffusion de la lumière de l'étoile principale, d'ondes radar et radio, nous renseigne sur la taille des particules, car la diffraction par un corps d'un signal de longueur d'onde λ n'a lieu que si le diamètre de ce corps est du même ordre de grandeur que λ. Il peut de même s'avérer intéressant d'étudier la déformation à travers le système d'anneaux des signaux (émission musicale, SOS intergalactiques, etc...) envoyés par les habitants des planètes étrangères.

Un autre phénomène optique facilitant l'observation des anneaux survient lors de l'occultation d'une étoile lointaine par la planète : dans son espace environnant, seul le système d'anneaux diffuse la lumière stellaire, nous dévoilant leur présence et, par spectroscopie, leur composition. La dernière solution reste une analyse in situ par une sonde interplanétaire (les conditions nécessaires étant la proximité ou le développement de la technologie supraluminique...).

C'est ainsi qu'on aboutit à un modèle stable d'anneau planétaire dont on connaît l'origine, la structure et la composition : des particules de roche, de glaces ou métalliques en mouvement circulaire dans un disque dans le plan équatorial de la planète.

Autocritique: les insuffisances du modèle

Lorsqu'on compare les anneaux des quatre géantes du système solaire, on constate qu'elles répondent globalement aux caractéristiques du modèle établi : les anneaux, constitués de particules, sont tous sans exception localisés dans le plan équatorial de leur planète à l'intérieur de la limite de Roche. On observe cependant des différences flagrantes entre les systèmes eux-mêmes : anneaux fins pour Uranus et Neptune, très étendus pour Saturne et diffus pour Jupiter. Par ailleurs, notre modèle ne prévoit pas certains phénomènes observés comme des zones vides de matière à l'intérieur des anneaux, des halos de plasma et des bords nettement définis.

Quelles peuvent être les insuffisances de notre modèle ? Quels autres mécanismes entrent en jeu ? Que différencie les quatre systèmes d'anneaux ? La masse des planètes est-elle suffisante pour décrire les particularités de chaque structure ?

Des phénomènes divers et complexes

L'observation des particularités de chaque système d'anneaux nous permettrait de mettre en évidence des phénomènes plus complexes et absents du modéle, et ceux-ci nous engageraient dans la voie d'une théorie qui nous a jusque là fait défaut.

Les anneaux planétaires dans le système solaire

Intéressons-nous donc aux différentes observations récoltées ces dernières décennies, des quatre géantes de notre système solaire.

Jupiter et les interactions électromagnétiques

Les observations de Voyager 2 ont révélé pour Jupiter une structure des anneaux assez simple :

Anneaux de Jupiter

À l'extérieur, un anneau relativement brillant (6000 km de largeur) au bord extérieur nettement défini (800 km de largeur) de rayon 130 000 km et d'épaisseur inférieure à 30 km. Il est quasi translucide, n'interceptant que 0.001% de la lumière solaire. Vers l'intérieur, l'anneau n'a pas de bord net mais se présente comme un disque diffus, s'étendant ensuite avec une luminosité décroissante, sans doute jusqu'à l'atmosphère jovienne. Ces anneaux sont plongés dans un halo ténu de 20 000 km d'épaisseur et renferment des petites particules (quelques μm). L'albédo mesuré étant de 0.05, on ne trouve pas de glaces dans les anneaux joviens, qui constituent une sorte de fleuve sans cesse alimenté par les débris d'impacts météoritiques sur Métis et Adrastée, les lunes joviennes les plus proches.

Une force susceptible de régir un tel mouvement est la traînée gazeuse. Le frottement dû au halo fait que les particules descendent en spirales ; plus la particule est petite, plus elle descend vite. Du fait des interactions avec le rayonnement, on calcule en effet qu'une particule de 5 mm de diamètre ne pourrait rester perpétuellement en orbite et finirait par atteindre l'atmosphère jovienne en 250 000 ans, durée réduite à une vingtaine d'années pour une particule micrométrique.

Les petites particules des anneaux subissent d'autres forces que la gravitation : les forces magnétiques. Les anneaux joviens baignent en effet dans un plasma de faible densité, c'est-à-dire dans un gaz ténu contenant des électrons et des ions + plus massifs. Les e- sont donc plus rapides et initialement, leurs collisions avec les particules des anneaux sont plus nombreuses que celles des ions. En absorbant ces e-, les particules se chargent négativement et finissent par repousser les autres chargent négatives. Fait plus important, ces particules chargées sont maintenant accélérées par la force de Lorentz lorsqu'elles traversent le champ magnétique planétaire. Lorsque leur taille est inférieure à 0.1 μm, l'intensité de la force électromagnétique est supérieure à celle de l'attraction gravitationnelle ( voir encadré ) et régit leur mouvement.

L'axe magnétique de Jupiter ayant une inclinaison de 11 degrés par rapport à l'axe polaire, ces forces ont une composante perpendiculaire au plan équatorial de la planète. Ainsi, l'extension verticale du halo est comparable à celle prévue pour des particules de taille inférieure à 0.1 μm.

Les anneaux fins et sombres d'Uranus et Neptune

Anneaux d'Uranus

Découverts grâce aux occultations d'étoiles, les anneaux d'Uranus et de Neptune ont un aspect quelque peu différent. Ils sont constitués de matériau sombre, peut être des hydrocarbures découlant de la photodissociation du méthane. Uranus possède 11 anneaux très étroits (leur largeur n'excède pas 100 km). La largeur peut varier du simple au quadruple suivant l'endroit où on se trouve.

Anneaux de Neptune

Neptune est entouré de 6 anneaux, dont 2 brillants de 15 km de large et 2 diffus de 1700 à 5900 km de large.

Saturne : des anneaux vastes et variés

Quant aux anneaux de Saturne, ils sont sans aucun doute les plus riches. D'une masse totale équivalente à un satellite d'une centaine de kilomètres de rayon, ils s'étalent sur un diamètre de 275 000 km, soit près de 75% de la distance Terre - Lune. En comparaison, l'épaisseur est négligeable (inférieure à 1 km). Les anneaux de Saturne sont donc des milliers de fois plus fins en proportion qu'une lame de rasoir. On pensait que le système d'anneaux était uniforme et régulier mais les observations des sondes Voyager ont révélé une constitution en innombrables annelets, structure prévue par Pierre Simon de Laplace à la fin du XVIIIème. Du fait de la rotation différentielle, les particules de l'anneau interne ont une période de rotation autour de la planète de 7 H 46, durée ramenée à 14 H 27 pour les particules de l'anneau externe, la période de rotation propre de Saturne étant de 10 H.

Voici ce que voit un astronome amateur lorsqu'il pointe son télescope de 130 mm vers Saturne:

anneaux de Saturne par un amateur

Comme nous l'avons vu avec l'établissement du modèle, la structure et la composition des anneaux peuvent être déterminés par l'analyse de la lumière réfléchie ou diffusée. Les particules de moins d'un micron ne peuvent que diffuser la lumière. Les corps de glace la diffuse intensément. On distingue ainsi 7 zones principales, dont la luminosité varie selon la face que l'on regarde, comme le montre les photos ci dessous. La photo du haut traduit la diffusion des particules tandis que celle du bas traduit la réflexivité.

anneaux de Saturne : diffusion et réflexivité

La connaissance détaillée des anneaux n'a été possible qu'avec les sondes Voyager. En commençant par la zone la plus proche de la planète, qui commence à la limite extérieure de l'atmosphère, on trouve :

l'anneau D Il est constitué de nombreux annelets circulaires de quelques dizaines de km de large, visible en lumière réfléchie et en lumière diffusée bien que sa luminosité soit très faible (invisible depuis la Terre). Cela traduit la présence de particules aux tailles très variées.
l'anneau C Dit "anneau de crêpe", sa luminosité est plus importante, et est formé d'une série de bandes plutôt transparentes séparées par de petits anneaux plus opaques et la lacune de Maxwell (270 km de large). On observe des anneaux excentriques. L'analyse de la lumière montre l'absence d'une quantité significative de particules micrométriques.
l'anneau B Sa luminosité est suffisamment importante pour être visible depuis la Terre. Il est aussi plus opaque. Il s'étend entre 92 000 et 117 500 km du centre de Saturne et présente une structure fine très complexe, faite d'une succession de bandes alternativement claires et sombres de largeur variable, composées essentiellement de particules microscopiques. Il s'achève au niveau de la division de Cassini. Celle-ci n'est pas totalement vide, sa structure est similaire à celle de l'anneau C : De petits anneaux clairs et sombres, parfois excentriques, et dont la luminosité décroît à mesure que l'on se rapproche du centre de la division.
l'anneau A Il s'étend de 122 200 à 136 800 km du centre de Saturne, au-delà de la division de Cassini, aussi brillant que l'anneau B, avec une luminosité plus faible dans la partie extérieure, où on trouve la division de Encke, de 200 km de large, dont la morphologie rappelle celle de Cassini. Le bord extérieur de l'anneau A est 30% plus lumineux que la partie interne. Séparé par la mince lacune de Keeler, il est net.
l'anneau F Il est filiforme, de rayon 140 210 km.
l'anneau G Il est très ténu, composé de particules de petites dimensions, et s'étend de 165 800 à 173 800 km.
l'anneau E Visible depuis la Terre uniquement lorsque les anneaux se présentent par la tranche, c'est une vaste bande diffuse entre 180 000 et 480 000 km. Sa densité est très faible. Il est alimenté de façon continue par les résidus de glace provenant de l'activité géologique intense du satellite Encelade.

Revenons sur l'anneau B où a lieu le phénomène des spokes, structures transitoires se présentant comme des coins sombres, diffus et disposés dans le sens radial, immobiles par rapport aux particules constituant l'anneau. Celui-ci étant constitué de corps microscopiques, les forces électromagnétiques ne sont plus négligeables. Si un orage magnétique éclate sur Saturne, le champ magnétique varie intensément, cette variation entraîne une modification de l'orbite de certaines particules, dans les sens radial et vertical.

Les satellites gardiens

Nous avons précisé plus haut que le modèle n'était pas respecté sur certains points, en particulier la netteté évidente de l'anneau A. Or, les satellites Atlas et Pan orbitent à son voisinage. Ne pourraient-ils pas jouer un rôle dans ce phénomène ? Il convient donc d'expliquer la fonction éventuelle des satellites sur les particules d'un anneau voisin.

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On en déduit que 2 satellites dont les orbites sont proches peuvent confiner la matière entre celles-ci, ce qui a été observé effectivement dans le cas d'anneaux d'Uranus et l'anneau F de Saturne : ces satellites sont qualifiés de "gardiens" ou de "chiens de bergers".

D'autre part, ce modèle de confinement gravitationnel peut expliquer en quoi le bord de l'anneau A est net.

La résonance gravitationnelle orbitale

La théorie des "gardiens" ne permet pas d'expliquer les lacunes observées dans la mesure où aucun satellite n'y a été détecté. Comment peut cette matière être rejetée de cette lacune ? On exclut toute intervention de forces électromagnétiques du fait de la taille des particules concernées. Les satellites seraient donc la cause de ce phénomène et leur action ne peut être qu' "à distance". Comment ? Cela exige l'exposition d'une nouvelle théorie : la résonance gravitationnelle orbitale.

Résonance orbitale entre des satellites

Le mouvement des corps en rotation autour d'une planète bien plus massive est fixé par le champ gravitationnel de cette planète. Dans certains cas, cependant, l'attraction gravitationnelle entre deux petits corps en orbite peut être amplifiée et affecter leur mouvement. Une telle amplification est appelée "résonance".

Si la période de révolution d'un satellite est un multiple entier ou une fraction de la période d'un autre satellite, l'effet gravitationnel total d'un satellite sur l'autre est une attraction appliquée de façon répétée au(x) même(s) point(s) du mouvement orbital.

L'effet est ainsi amplifié. Dans certains cas, la résonance bloque des paires de satellites sur des orbites dont les périodes sont dans un rapport fixe de deux entiers de petite valeur. On a observé de telles commensurabilités dans les systèmes de satellites de Jupiter et de Saturne (résonance 1 / 2 entre Io et Europe, Europe et Ganymède, 3 / 28 pour Io et Callisto par exemple, et dans le système saturnien : 1 / 2 entre Mimas et Thétys, entre Encelade et Dioné, 3 / 4 pour Titan et Hypérion...). Une résonance de type 1 / 1 induit le phénomène des points de Lagrange.

La résonance dans un disque de particules

La résonance dans un disque de particules est assez différente. Au voisinage de la distance de la planète où la période orbitale des particules du disque est commensurable avec celle de l'un des satellites de la planète, l'amplification de l'effet gravitationnel de ce satellite, sur de longues durées, rend les orbites des particules non circulaires. Ces particules entrent alors en collision avec leurs voisines moins perturbées. Il en résulte qu'elles sont éliminées d'une bande située à la distance radiale correspondant à une résonance ; la largeur naturelle de cette bande est de quelques dizaines de km. Il existe de telles bandes dans les anneaux de Saturne.

Ainsi, les dizaines de lacunes étroites observées dans la partie extérieure de l'anneau A semblent résulter de résonances provoquées par Atlas, Prométhée, Pandore, Janus et Epiméthée ; on constate que la division de Cassini est en résonance 1 / 2 avec Mimas, le bord externe (net) de l'anneau A en résonance 6 / 7 avec Janus. La prédominance de petites particules au voisinage de ces lacunes atteste des violentes collisions induites localement par chaque résonance.

Résonances et lacunes

Les résonances crées dans un disque par un satellite se resserrent à mesure que l'on s'approche de son orbite. À une distance critique, l'espacement radial entre 2 résonances successives devient égal à la largeur naturelle de chaque résonance. À l'intérieur de cette distance critique, les résonances se chevauchent, créant une zone continue de transfert du matériau de l'anneau, qui tend à l'écarter de l'orbite du satellite. La largeur de cette zone de transfert et son "degré de dégagement" dépendent de la masse du satellite et de la densité du matériau dans l'anneau. Plus la masse du satellite est importante, plus la zone est large, mais plus la densité de particules est élevée, plus de collisions se produisent. De petits satellites noyés dans les anneaux de Saturne pourraient être à l'origine de leur structure fine.

Résonance et netteté des bords des anneaux

Si le satellite est adjacent à un anneau, il existe encore un autre effet possible : les résonances en recouvrement autour de l'orbite du satellite peuvent empêcher l'anneau de s'étaler et lui conférer une frontière bien marquée. Le bord externe de l'anneau A est probablement maintenu de cette manière par Prométhée et Pandore. Parallèlement, l'anneau repousse les satellites. Or, Prométhée est piégé par une résonance avec Mimas ou Thétys. Cette résonance aurait pour effet d' "ancrer" sa distance radiale, de sorte qu'il pourrait continuer à "sculpter" le rebord externe de l'anneau A.

Anneau A

Ainsi, outre une explication de phénomènes que nous ne pouvions comprendre, la théorie de la résonance gravitationnelle nous fournit une ré-interprétation du mécanisme des "satellites gardiens".

D'autres phénomènes partiellement expliqués

Les anneaux torsadés

Les observations de Neptune montrent ceci :

Anneaux torsadés

Dans le cas d'anneaux de très faible densité, les perturbations gravitationnelles (se traduisant par un mouvement de matière) ne s'amortissent pas (les chocs sont rares). Le mouvement naturel des particules est alors l'oscillation harmonique non amortie dans une cuvette de potentiel gravitationnel autour de l'orbite circulaire dans le sens radial et vertical. En d'autres termes, les particules s'enroulent autour de l'orbite stable et par conséquent, les anneaux sont torsadés.

Il est probable que plusieurs phénomènes permettent l'alimentation de l'anneau et de son mouvement : présence d'un satellite dans l'anneau (ce qui semblerait être le cas pour l'anneau F de Saturne, figure ci-dessus), le champ magnétique pourrait entretenir les oscillations verticales des plus petites particules, et le mouvement radial pourrait l'être par la présence de satellites gardiens (anneau F, figure ci dessous).

Anneau F

Les arcs de Neptune

Voici ce qu'ont observé lors de l'occultation d'une étoile par Neptune, les astronomes français André Brahic, Bruno Sicardy et l'Américain William Hubbard :

Arcs de Neptune

La présence d'arcs de matière dans les anneaux de Neptune reste énigmatique. À défaut de vraies images, les astronomes ont utilisé la technique des "occultations". Et ils constatèrent avec stupéfaction que les arcs étaient d'une stabilité remarquable. C'était tout à fait inattendu. En effet, explique Bruno Sicardy, de l'observatoire de Paris - Meudon, ce genre de formation aurait dû disparaître en quelques semaines, comme cela a, d'ailleurs, été constaté par les sondes Voyager dans les anneaux de Saturne. Les arcs, se trouvant très près de la limite de Roche, représentent un état intermédiaire en principe très instable. Les théoriciens se sont penchés sur le problème.

Dès 1985, l'Américain J.Lissauer calcula que 2 satellites "bergers" d'une taille donnée seraient susceptibles de maintenir ce "troupeau" en place. Mais ce scénario fut remis en cause par la découverte de Galatée, l'une des 6 lunes de Neptune. Les calculs effectués par une équipe américaine montrèrent que, là où il était situé, ce satellite d'environ 150 km de diamètre pouvait, à lui seul, jouer le rôle de berger des arcs. Toutes les données recueillies ultérieurement semblaient confirmer cette théorie. Pour les astronomes, la cause était entendue.

De nouvelles observations réalisées avec le télescope spatial Hubble provoquèrent la surprise chez les astronomes : ils constatèrent que les 4 arcs (Courage, Liberté, Egalité et Fraternité) se trouvaient 25 degrés de longitude en arrière de l'endroit prévu. Une dérive importante, bien supérieure aux marges d'erreur des modèles, même si elle intervient après les quelques 1500 orbites décrites par les arcs autour de Neptune depuis leur photographie par Voyager en 1989. Ces 2 positions observées à 10 ans d'intervalle permettaient aux chercheurs de mesurer beaucoup plus précisément qu'auparavant la position et la vitesse de Galatée et des arcs sur leurs orbites et de refaire leurs calculs avec ces nouvelles données.

Conclusion : les arcs se trouvent à 60 m de la position qu'ils devraient avoir par rapport à Galatée si cette lune leur servait de berger, distance passée inaperçue devant l'éloignement de Neptune (plus de 4 milliards de km) et la taille des arcs (de 4 500 à 25 000 km). Elle suffit pourtant à remettre les modèles en cause. La solution la plus simple serait qu'un autre satellite encore inconnu ajoute ses effets à ceux de Galatée. Bruno Sicardy estime qu'un petit corps de moins de 10 km de diamètre pourrait suffire s'il se trouve à l'endroit adéquat.

On peut raisonner autrement. En effet, il devient intéressant d'observer si cette dérive est un phénomène linéaire ou oscillatoire autour d'une position d'équilibre (fixe dans le référentiel tournant ou non). Dans le cas oscillatoire, il est possible que la stabilité apparente des arcs soit due à la présence de satellites encore inconnus placés à chaque extrémité des arcs. Ceux-ci joueraient en quelque sorte le rôle de gardiens. Du fait des interactions gravitationnelles, les arcs oscillent entre les satellites qui eux-mêmes oscillent entre les arcs, par un processus de "réactions" en chaîne, comme une association en série de masses liées entre elles par des ressort.