Ma recherche 

D'un point de vue général, je m'intéresse aux intéractions entre les systèmes complexes et biologiques et le champ magnétique.

Depuis 2016, j'ai développé une expertise dans le domaine de la mécanique du vivant et de l'ingénieurie médicale en m'intéressant aux propriétés biomécaniques des tissus impliquées la distraction ostéogénique. L'origine de mes travaux en mécanique du vivant est le projet DOGMA, projet qui a permis l'émergence de nombreuses voies d'exploration autour de la distraction ostéogéniques et la reconstruction osseuse. 

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Schéma d'un distracteur classique avec la tige transcutannée (à gauche), Distracteur magnétique DOGMA (à droite).

DOGMA Ce projet consiste en l'élaboration d'un prototype de dispositif médical implantable - un distracteur mandibulaire -  qui utilise le couple transmis entre aimants pour actionner l'allongement osseux. En effet, dans certaines situations médicales, notamment pour malformations faciales congénitales chez les enfants, il est nécessaire de réaliser un allongement osseux par un procédé appelé : distraction ostéogénique. L’opération chirurgicale consiste en une ostéotomie de l’os à allonger, suivie de la mise en place d’un distracteur sous-périosté. Le distracteur est composé de 2 plaques fixées à l’os de part et d’autre de la fracture. Ces deux plaques sont reliées par une tige sans fin, dont l’activation par une tige extériorisée permet leur écartement, et conséquence l’écartement des deux fragments osseux. Durant la distraction (1 mois), la tige qui permet l’allongement est source de complications et de souffrances. Pour s’affranchir de cette tige, nous avons développé un distracteur à activation magnétique (DOGMA). L’objectif de ce projet est de réaliser une étude clinique sur ce nouveau dispositif médical. Dans cet implant, la tige est remplacée par un aimant dont la rotation, prescrit à distance par un activateur aimanté externe, entraine l’allongement de l’os. A l’heure actuelle, l’équipe a réalisé la fabrication selon les normes règlementaires de prototypes de distracteurs mandibulaires fonctionnels ainsi que la conception d’activateurs externes « intelligents » eux aussi selon les normes règlementaires. L’ensemble activateur-distraction ont été validé sur sujets cadavériques fin septembre 2021. Le transfert de cette technologie vers un tiers exploitant a débuté en 2024 pour la réalisation des essais cliniques courant 2026-2027.

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Le premier prototype de distraction (à gauche) et le conception finale, le distracteur XL (à droite) (J. Boisson, N. Kadlub)

SIMFACE Ce projet s'intéresse à la réalisation de répliques hautes fidélités de la face pour la pratique chirurgicale. Ce projet a pour objectif la réalisation de répliques haute-fidélité, par fabrication additive multi-matériaux, des tissus biologiques mécaniquement représentatif des efforts impliqués dans certaines chirurgies ou traumatismes de la face. Lors d’une fracture déplacée, la procédure chirurgicale consiste en la fixation de part et d’autre du trait de fracture de plaques assurant le contact et la compression entre les 2 morceaux d’os, permettant ainsi l’ostéosynthèse. Afin d’optimiser les soins pour la traumatologie et la réparation de la face observée dans le contexte du service de santé de la défense, nous proposons de concevoir des répliques haute-fidélités de la face [1]. Cela nécessitera de reproduire, d’une part, les propriétés mécaniques des os sollicités en rupture et d’autre part de reproduire les propriétés mécaniques particulières des tissus biologiques à partir des matériaux disponibles en impression 3D. Jusqu'en 2024, nous sommes focalisés sur cette dernière partie en produisant en impression 3D des matériaux composites afin d’obtenir les propriétés de différents tissus mous issus du vivant. Ces matériaux sont composés d’une matrice souple dans laquelle est plongé une fibre centrale rigide dont la géométrie est optimisée pour reproduire le tissu biologique cible. Dès lors, nous avons démontré la possibilité d’utiliser une fibre centrale en courbe de Bézier, et validé son utilisation intégré dans une matrice souple. 

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Matériaux composites intégrant une fibre de Bézier rigide dans une matrice souple (V. Serantoni)

Cependant la fibre centrale a une taille caractéristique de l’ordre du millimètre ce qui rend la réplique incompatible avec les contraintes morphologiques de la face tout en altérant les sensations au toucher.  Il faut donc dorénavant chercher à miniaturiser l’ensemble. Pour cela, il est nécessaire d’utiliser une nouvelle technologie d’impression 3D, appelé Melt electrowriting, qui permet de réaliser des fibres de diamètre de l’ordre du micromètre. Cela nous permettra de réaliser des composites reproduisant les propriétés mécaniques des tissus biologiques cibles (peau, périoste, calvaria, etc…) tout en conservant, d’une part, une sensation au toucher proche des tissus réels, d’autre part, des dimensions compatibles avec les contraintes morphologiques de la face.

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Exemple de fibres bidimensionnelles produite avec un dispositif Melt electrowriting

                MAGBONE Ce projet se focalise sur l'influence du champ magnétique sur la cicatrisation osseuse. De par la configuration de la chirurgie, l’aimant interne du dispositif DOGMA, intégré à l’implant, reste proche d’un trait de fracture pendant toute la procédure (4 à 5 mois). Son champ magnétique pourrait donc avoir une influence directe sur le processus de remodelage osseux. Si, d’un point de vue réglementaire, un champ magnétique statique inférieur à 2 Tesla est considéré comme inoffensif (directive 2013/35/UE), les données adéquates pour une évaluation correcte des risques liés aux champs magnétiques statiques font presque totalement défaut. Certains articles récents ont observé qu’un champ magnétique statique pourrait avoir une influence bénéfique sur le processus de remodelage osseux.

L'objectif principal du projet MAGBONE est d'améliorer les connaissances sur l'influence d'un champ magnétique statique sur le remodelage osseux. Cela est extrêmement intéressant dans le contexte de nouveaux dispositifs médicaux basés sur des aimants permanents, tels que le distracteur magnétique mandibulaire développé en interne. Les aspects biologiques seront étudiés en exposant des cultures primaires de cellules osseuses (ostéoblastes, ostéoclastes) à différentes configurations de champs magnétiques (intensité, gradient, orientation). En parallèle, nous étudierons la possibilité d’introduire des particules magnétiques dans le milieu biologique. En effet,  ces dernières sont plutôt envisagées sous l’angle thérapeutique pour le traitement de tumeurs ou la délivrance de médicament. La présence de ces particules combinée avec les aimants externes pourrait optimiser l’interaction du champ magnétique avec le milieu biologique et donc augmenter son impact sur le remodelage osseux.

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CAO et simulation Elément Finis (FEMM 4.2) d'un entrefer appliquant un champ homogène vertical d'environ 0,5 T sur
l'ensemble d'une plaque de culture cellulaire (E. balandier)

Les effets sur les tissus osseux seront déterminés en analysant la microstructure et les propriétés mécaniques de fémurs et de calvaria cultivés sous un champ magnétique statique grâce des cultures organotypiques. Enfin, si les premières observations se confirment, l’objectif sera de travailler avec des cliniciens pour proposer et tester une conception de dispositifs implantés susceptibles de favoriser la cicatrisation et la consolidation osseuse. Cette partie clinique reposera sur l’implantation de fixateurs internes (très utilisés en chirurgie orthopédique de guerre, notamment sur la technique de Masquelet) sur un modèle rat de défaut osseux segmentaire.

MECADECELL Ce projet a pour objectif de comprendre les répercution des procédés de delcullarisation osseuse sur les propriétés mécanique de l'os. La reconstruction de pertes de substance est une chirurgie en plein essor regroupant de nombreuses disciplines. D’autant plus aujourd’hui, dans l’ère du « paraître », la reconstruction dans l’objectif de redonner au patient un visage qu’il accepte et avec une fonctionnalité semblable à l’état antérieur, est un véritable défi pour les chirurgiens. Ces derniers font appel à différents types de tissus pouvant être vascularisés autologues (lambeau libre, lambeau pédiculé) ou non (allogreffe), ou non vascularisés (greffe de peau, banque de tissus). Ces techniques peuvent être utilisées seules, ou en association et permettent d’apporter des tissus cutanés, musculaires, et/ou osseux, afin de recréer les volumes manquants. Paradoxalement, leur réalisation peut impliquer une perte de substance considérable au niveau de la zone de prélèvement, ou engendrer des complications importantes pour le patient : infection, fracture, désunion, nécrose, résultats fonctionnels limités. C’est pourquoi l’utilisation de tissus allogéniques doit trouver sa place. En effet, les allogreffes sont déjà utilisées en chirurgie maxillo-faciale et ne cessent d’évoluer. C’est dans ce cadre que la première allogreffe de visage a été réalisée en 2005 par l’équipe des Prs Devauchelle, Testelin et Lengelé. Ces allogreffes vascularisées permettent d’envisager de nouvelles reconstructions, plus larges et plus complexes, mais au prix d’une immunosuppression lourde, et morbide. Les immunosuppresseurs au long cours peuvent compromettre le greffon lui-même mais aussi la vie du patient avec le risque d’infections sévères, de défaillance d’organe ou de cancers. Pour pallier au rejet du système immunitaire du receveur, l’ingénierie tissulaire a développé des techniques dites de décellularisation des greffons afin de détruire toutes cellules du système immunitaire. Ainsi le greffon allogénique décellularisé peut s’intégrer chez le donneur en évitant les complications immunogènes habituelles, et retrouvant alors les avantages d’une autogreffe. Il est alors possible d’appliquer ce type de protocole à des donneurs décédés afin de créer des banques de lambeaux décellularisés. 

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Fémurs appareillés : natif à gauche contre décellularisé à droite (U. Heller).

Cependant les techniques de décellularisation actuelles se basent sur des systèmes de bain qui sont inefficaces pour décellulariser des os complets. Récemment, un protocole de décellularisation de greffons par perfusion a été mis en place par l’équipe du Pr Lengelé à Bruxelles. Ce procédé utilise les voies naturelles des os pour appliquer les produits décellularisation rendant possible la production d’os complet décellularisés. Les premiers résultats ont démontré l’efficacité du protocole. En complément, des études financées par l’association des Gueules Cassées (U. Heller) ont notamment été menées sur des modèles porcins pour comparer les propriétés biomécaniques d’os d’avant-bras de porcs décellularisés à des os d’avant-bras natifs. Les résultats ont démontré que les propriétés mécaniques n’étaient pas significativement altérées par la décellularisation. Ces premiers résultats sont encourageants dans l’optique de l’utilisation de greffons osseux décellularisés en reconstruction maxillo-faciale. Une étude de la caractérisation des propriétés mécaniques des greffons après implantation est en cours.

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                Reconstruction image par image de la carte de pression isobare de l'irrigation de la mandibule (C. Serra).

Notre projet de recherche porte ainsi sur l’os vascularisé décellularisé par perfusion et plus particulièrement sur l’os mandibulaire. En effet ,dans le panel de reconstruction que la chirurgie maxillo-faciale doit prendre en charge, pour la traumatologie, la cancérologie ou les séquelles de radiothérapie (ostéoradionécrose), la mandibule est souvent la première touchée, de par sa vulnérabilité anatomique mais aussi vasculaire. Elle est autant indispensable, tant sur le plan esthétique que fonctionnel, que sa reconstruction est complexe : ses interactions sont nombreuses et sa géométrie contournée [27].  Obtenir des greffons osseux mandibulaires vascularisés à la demande serait donc particulièrement intéressant. Mais sa complexité structurelle et sa précarité vasculaire contre-indiquent l’application à l’identique des protocoles développés sur des os plus simples, comme le fémur.

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Territoires irrigués de la mandibule moyenne en fonction de la pression imposée (C. Serra).

C’est pourquoi nous avons étudié au plus près l’anatomie vasculaire de la mandibule et ses résistances hémodynamiques, afin d’exporter au mieux les protocoles de décellularisation par perfusion. Pour cela, à l'aide d'un procédé combinant des techniques d'imagerie et de forçage d'écoulement à pression contrôlée, nous avons identifié expérimentalement le réseau sanguin mandibulaire, et extrait les pressions nécessaires à son irrigation et les pertes de charge associées. En utilisant les résultats obtenus, un protocole spécifique de décellularisation de la mandibule par perfusion sera établi et testé. Cette étude a été réalisée grâce à des mandibules humaines prélevées sur sujets anatomiques et caractérisées en laboratoire.


         AUTRES PROJETS D'un point de vue plus mécanique "classique", je m'intéresse aux intéractions entre les systèmes complexes et le champ magnétique que ce soit initialement pour  réaliser des systèmes de forçage électromagnétique (pompe) ou pour des  systèmes d'amortissement (puit d'énergie non-linéaire, amortisseur à raideur linéaire ou  non-linéaire accordée,...).
















Enfin, un autre de mes thèmes de recherche s'articule autour de la magnétohydrodynamique. L'un des objectifs de ce projet est d'améliorer notre compréhension de la physique des écoulements de fluides conducteurs, en particulier de l'influence de la force de Lorentz. Pour ce faire, nous travaillerons sur une géométrie modèle de type Taylor-Couette grâce à un dispositif expérimental développé au CEA, dans lequel elle est la seule force à mettre en mouvement le fluide.